C'est lui qui, aux jours de sa chair,
ayant présenté, avec une violente clameur
et des larmes, des implorations et des supplications
à Celui qui pouvait le sauver de la mort,
et ayant été exaucé en raison de sa piété,
tout Fils qu'il était,
apprit, de ce qu'il souffrit, l'obéissance ;
après avoir été rendu parfait,
il est devenu pour tous ceux qui lui obéissent
principe de salut éternel.
(Hébreux 5, 7-9)
Voici la Forme, enfin - tant il est
vrai que le Défiguré dans la croix prend figure -, voici l'axe et l'essieu, le
moyeu de la roue qui meut les univers. Quelque chose d'inouï se fige et
coagule, un sel solide et pur naît de l'obscurité. Du sang, des larmes, de la
boue, des ruines, des charniers, et de toute cette matière énorme et insensée
que le mal à l’œuvre dans l'histoire accumule et charrie, enfin il se fait
Signe : la grande intersection met de l'ordre au chaos. L'heure a sonné au
cadran du corps écartelé, du corps incardiné dans la douleur du monde, et
l'aiguille indique la méridienne dans le temps suspendu et l'air où rien ne
bouge. Écoutez et voyez : le cri est un fruit rouge. L'oreille fine entend
la figue à point se fendre en quatre parts sous le soleil de l'arrière-saison.
La rose des vents signale l'accalmie que nous obtient la Mort et l'abcès s'est ouvert,
de l'excessif Amour. Au cœur de la pivoine apparaît la pervenche, au milieu de
la plaie l'ocelle de la Vie, dans le sang le sang bleu de la Divinité, dans
l'intaille de la Passion l'intime du Mystère. Maintenant s'accomplit ce que
lui-même avait annoncé : sitôt
que de la terre vous m'aurez élevé, vous saurez que JE SUIS.
Frère François Cassingena-Trévedy,
in Chemin de croix (Médiaspaul)